Les rayons sont en ébullition, le clinquement des bouteilles met l’eau à la bouche des directeurs de supermarchés, qui réalisent jusque 20% de leur chiffre d’affaire annuel durant cette période. Les clients sont dans les starting-blocks prêts à bondir sur les meilleurs affaires.
Force est de constater que les foires aux vins font toujours recette! L’année dernière, plein de bonne volonté, je m’étais employé à rechercher les quelques rares bouteilles de « vrais » vignerons dans la foultitude de références proposées. Cette année j’ai décidé de porter un regard légèrement plus critique en épluchant les prospectus des grandes enseignes que j’ai pu recevoir dans ma boite aux lettres.
Au rayon discount
Lidl nous vend du Rapport Qualité/Prix, c’est le chef des produits vins qui le dit dans son édito, avec une moyenne de prix qui se situe aux alentours des 5€. Pas de doute pour le prix, mais pour la qualité, rien n’est moins sûr. Autre fait marquant de cette sélection, 80% des fiches vins ne mentionnent à aucun moment le producteur. On a droit à du Rosé d’Anjou 2011 AOC 2.79€, un vin d’Alsace Muscat 2011 AOC 3.99€ ou bien un Moulin à vent 2011 AOC 4.29€, pour ne citer que ces références. Les négociants auraient ils honte de vendre chez Lidl?
Chez Leader Price, le simple fait de voir Jean-Pierre Coffe en première page me met en rogne. Comment ose t-il nous nous faire croire qu’un vin de négociant à 2.95€, puisse être à la hauteur des valeurs de goût et d’authenticité qu’il a défendu (presque) toute sa carrière. Mr Coffe, dans le bénéfice du doute je n’irais pas jusqu’à dire que votre sélection « c’est de la Merde », mais je n’en pense pas moins.
Côté hypermarché
Je me suis concentré sur Carrefour et ses « Coups de coeurs de Vignerons – Producteurs ». Au premier abord ça à l’air pas trop mal, une sélection de terroirs de qualité qui met en avant de vrais vignerons…enfin presque. Carrefour a l’art de nous mentir à moitié en jouant sur les mots, et ça c’est pas gentil pour les consommateurs non éduqués!
Toute personne qui entend le mot vigneron pense certainement à la définition du dictionnaire qui dit : « Personne qui exploite la vigne et élabore le vin ». Alors oui…mais non, chez Carrefour ils sont malins. Je m’explique…
Sur les 11 « Coups de coeurs Vignerons – Producteurs » Carrefour, que compte le prospectus, j’ai pu en trouver 9 en magasin. Un nombre satisfaisant pour mon enquête qui a consisté à observer les capsules des bouteilles, dans le but de vérifier le statut de ceux qui commercialisent ces bouteilles. J’ai donc distingué 2 types de statut, celui de Récoltant (lettre R ou Récoltant sur la capsule) et celui de Non-Récoltant (lettre N ou E sur la capsule).
Non-récoltants
Jean-Marie Guffens VDP de Vaucluse « Trilogie » 4.80€
Sébastien Rabier CDR St-Gervais 4.30€
Jean-Luc Colombo Cornas 16.90€
Hervé Bizeul Mas de la Chique 5.50€
Jean-Marc Brocard Bourgogne Chardonnay 5.95€
Frédéric Magnien Chambolle-Musigny 29.90€
Récoltants
Domaine Rouge Garance CDR 5.80€
Marie Brigitte Poli Patrimonio 7.95E
Jean Sébastien & Henry Marionnet Tourraine Gamay 5.40€
Le résultat est, comment dire…honteux? 6 des ces 9 bouteilles, soi disant de « Vignerons », sont en fait issues du négoce : celui qui commercialise ne produit pas le raisin, il se contente de l’acheter (tel quel ou sous forme de moût fermenté) puis s’occupe de la vinification et de la commercialisation.
Ça sent le vinaigre
Le constat général est très décevant, entre sélection à bas prix et qualité médiocre, et des enseignes qui nous mentent impunément. Ces foires aux vins s’apparentent plus à une grande supercherie qu’à une bonne affaire, où les négociants écoulent leurs stocks de bonne piquette avec l’aide des ogres de la grande distribution. Parmi les milliers de références, en fouillant bien, on peut réussir à trouver quelques rares bouteilles de qualité produites par de « vrais » vignerons, mais gare aux pièges. On peut également avoir de bonnes surprises chez des négociants réputés pour leur travail de qualité, mais ils sont peu nombreux.
Comment, dans notre pays patrie du vin, la grande distribution arrive t-elle à rafler près de 80% des ventes de vin? Grâce à l’ignorance d’une grande partie de ses acheteurs et la malice des responsables marketing, mais pas seulement. Notre aptitude à se contenter de la médiocrité lui facilite grandement la tâche, et c’est bien dommage.